RENFORCEMENT DE LA SÉCURITÉ FRONTALIÈRE ET DE LA PRÉSENCE DE L’ETAT: L’exemple innovant du PUMA

Le Programme d’urgence de Modernisation des Axes et territoires frontaliers (PUMA) est une réponse aux attentes et aspirations légitimes des populations des zones frontalières. Il se propose d’impulser une dynamique de croissance économique endogène, intégrée et soutenue pour réduire les inégalités d’accès aux services sociaux de base sur l’ensemble des zones frontalières. Pour opter une transformation systémique, il est nécessaire d’apporter des solutions aux problématiques identifiés depuis leur racine. Le PUMA apporte des réponses aux différents éléments du système auxquels il intervient depuis la base. D’abord dans l’identification des besoins, la priorisation des actions, la planification et la mise en œuvre concertée. Par l’exemple du volet Education, le PUMA construit et équipe des cases des tout-petits, des écoles élémentaires, des collèges et des lycées, construit en dur des abris provisoires, mais il est important aussi d’accompagner ces élèves dans l’accès aux pièces d’état civil, c’est pourquoi le PUMA a facilité l’accès à plus de 36910 personnes aux pièces d’état civil dans le cadre de la lutte contre l’apatridie. Dans le domaine de la santé, au-delà des dispensaires et maternité, le plan architectural des postes de santé inclut des logements sage-femme et ICP pour mettre dans de bonnes conditions de travail les agents de santé. 

La création du PUMA constitue une des réponses à la formulation de politiques publiques globales et locales contribuant à un développement équilibré et équitable basé sur un aménagement harmonieux du territoire, apte à impulser une dynamique de réduction des disparités socio-spatiales particulièrement au niveau des zones frontalières. 

En effet, Le Sénégal partage environ 2660 Km de frontières terrestres avec cinq (05) pays (Mali, Guinée Conakry, Guinée Bissau, Mauritanie, Gambie) et où vivent des populations qui sont souvent confrontées à des problèmes liés à la pauvreté, à l’iniquité structurelle, à l’apatridie, à l’insécurité et qui perdurent depuis 1960. Ces populations se tournaient souvent vers les pays voisins pour avoir accès aux infrastructures sociales de base et étaient sujettes à une forte dépendance économique. Aussi l’inégale répartition spatiale de la population oriente très nettement le maillage des infrastructures sur l’étendue du pays. Les régions les moins peuplées sont moins nanties sur le plan infrastructurel avec comme conséquences leur faible développement économique et l’insuffisance d’opportunités économiques pour les femmes, les jeunes et les groupes vulnérables marginalisés, et les régions fortement peuplées deviennent des pôles de croissance et concentrent les activités industrielles, ce qui favorise l’exode rural en direction de ces centres. De ce fait pour un aménagement harmonieux des territoires, la priorité doit être accordée à la réduction des inégalités, en accordant une attention soutenue aux zones rurales et frontalières ayant les déficits les plus importants en matière d’infrastructures et de services sociaux de base. 

Dans cette optique de promouvoir une solidarité et une complémentarité des territoires, de renforcer la cohérence territoriale, de lutter contre la pauvreté et les iniquités structurelles qui perdurent depuis la période coloniale, le Sénégal s’est résolument orienté dans une dynamique de résorption de ce gap avec la mise en place de programmes d’équité territoriale et sociale tels que le PUMA (Programme d’Urgence de Modernisation des Axes et territoires frontaliers). Le PUMA est un programme d’aménagement et de développement territorial lancé en 2017, spécialement créé pour les zones frontalières afin de répondre aux attentes légitimes des populations avec comme but de faire des territoires frontaliers, longtemps oubliés et pourtant disposant de potentialités naturelles, économiques, touristiques…, des territoires viables et compétitifs.

Le Programme intervient dans trois composantes que sont le DÉSENCLAVEMENT, le DÉVELOPPEMENT DURABLE ET la SÉCURITÉ FRONTALIÈRE.

Le Désenclavement vise à favoriser le désenclavement des zones et populations frontalières par le renforcement des infrastructures et équipements routiers, fluviomaritimes, téléphoniques et numériques 

Le développement durable, c’est pour assurer aux populations frontalières l’accès aux services sociaux de base par la réalisation d’infrastructures et la fourniture d’équipements (hydraulique, sanitaires, scolaires et électriques, de jeunesse) mais aussi réduire l’instabilité au niveau des axes et territoires frontaliers, source d’exode rural et de migration, via la création et le développement d’opportunités économiques pour les jeunes et les femmes

Il y a également la composante Sécurité frontalière pour renforcer la présence avec la réalisation d’infrastructures de sécurité mais aussi des infrastructures administratives et des services déconcentrés pour renforcer la présence de l’Etat dans ces zones reculées.

Les réalisations phares du programme 

Parmi les acquis majeurs, on peut noter que depuis 2017, le PUMA a touché 191 communes frontalières sur les 238 ciblées soit 80%. Au-delà du renforcement du sentiment d’appartenance à la nation sénégalaise, le PUMA a permis la création de plus de 8000 emplois (temporaires et permanents) à travers ses différents domaines d’intervention du Programme.

Aussi avec 433 infrastructures et équipements sociaux de base réalisés (santé, éducation, hydraulique, jeunesse, électrification…) l’accès des populations transfrontalières aux infrastructures sociales de base s’est amélioré avec une forte polarisation transfrontalière. En effet, 32% des fréquentations des infrastructures du PUMA dans les zones frontalières proviennent des pays voisins (la tendance de fréquentation des populations transfrontalières aux infrastructures sociales de base s’inverse depuis la création du PUMA). Les évacuations sanitaires vers les centres de référence sont plus faciles avec la dotation de 143 ambulances et  trois (03) bateaux médicalisés. 

Autre acquis majeur est l’amélioration de la mobilité des personnes et des biens, de la connexion avec les centres urbains du pays et aux zones de production agricoles et grands marchés, avec 367 localités désenclavées par la construction de pistes, des ouvrages de franchissement et la dotation d’équipements pour le transport fluviomaritime. 

Mais il y a aussi la réduction des points de passage clandestins, le renforcement de la surveillance des frontières et l’amélioration de la sécurité civile avec la construction et l’équipement de 14 infrastructures de sécurité frontalières : Brigades de Gendarmerie, Postes de police mixtes (Douane, Gendarmerie, Police, Eaux et forêts), Postes de police, Casernes des sapeurs-pompiers.

Le rôle joué par les autorités administratives territoriales constitue un gage de réussite de la formulation et de la mise en œuvre du programme. La construction/réhabilitation et équipement des sous-préfectures et préfectures situées dans les zones frontalières améliore le rapprochement de l’administration des administrés.

L’allégement des travaux des femmes et l’augmentation des revenus des ménages par la promotion de l’entreprenariat des jeunes et de l’autonomisation des femmes améliore les moyens de subsistance des populations des zones frontalières du Sénégal.

La méthodologie de formulation du programme et ses stratégies de mise en œuvre innovantes, inclusives et participatives lui valent un programme de référence. 

Et récemment le PUMA a reçu la distinction internationale lors du Forum sur le Marketing territorial à Casablanca, comme meilleure pratique innovante en marketing territorial en Afrique ; ce qui lui a valu une notoriété au niveau international.

Financement du PUMA

Sur le financement du PUMA, malgré les résultats assez importants obtenus, le PUMA n’a fonctionné depuis sa création qu’avec les ressources internes de l’Etat du Sénégal à travers le BCI avec en moyenne 6,075 milliards par an soit au total 8% du budget estimatif de la Matrice d’actions prioritaires validée par le Gouvernement. Le PUMA enregistre un taux d’exécution moyen annuel de 99% sur le montant annuel mobilisé. Aujourd’hui le PUMA a démarré la mise en œuvre de projets avec des PTF notamment le PNUD sur financement du Gouvernement de Japon avec la phase pilote du projet de Renforcement de la Sécurité humaine d’un budget de 300 millions FCFA, mais surtout avec la Banque mondiale, dont le démarrage est imminent avec le projet de Résilience et de développement communautaire au niveau de la vallée du fleuve Sénégal pour un montant de 95 milliards. C’est le premier financement PTF obtenu par le PUMA et validé et approuvé en Mai 2024 grâce au nouveau gouvernement du Président Bassirou Diomaye Faye et du Premier Ministre Ousmane Sonko

Amélioration de l’accès aux infrastructures et équipements sociaux de base :

Le PUMA a investi plus de 16 milliards de FCFA pour réaliser 433 infrastructures et équipements sociaux de base réalisés (santé, éducation, hydraulique, jeunesse, électrification…) l’accès des populations transfrontalières aux infrastructures sociales de base s’est amélioré avec une forte polarisation transfrontalière.

Dans le domaine de l’Education , le programme vise l’amélioration du niveau de couverture scolaire par la construction et l’équipement de 53 infrastructures scolaires (cases des tout-petits, écoles élémentaires, lycées, collèges, salles de classe, salles informatiques, bibliothèques) avec plus de 3 750 élèves bénéficiaires. Le PUMA a également construit une trentaine de salles de classe pour l’amélioration des conditions d’étude et pour le complément de cycle dans des établissements scolaires des régions de Matam, de Sédhiou, de Kolda, de Saint louis et de Tambacounda mais aussi des salles informatiques et bibliothèques. Pour renforcer la sécurité des établissements scolaires et des usagers, il programme a construit de 4400m linéaires de mûrs de clôture pour renforcer la sécurité de 12 établissements scolaires existants.

Dans le domaine de la Santé, le PUMA contribue au maillage de la carte sanitaire nationale et l’amélioration de l’accès aux soins de santé par la construction de 39 postes de santé avec 78 logements de sages-femmes et ICP. Le prototype de poste de santé PUMA validé avec la Direction des Infrastructures, des Équipements et de la Maintenance (DIEM) du MSAS, est constitué d’un dispensaire, d’une maternité, d’un logement pour l’Infirmier Chef de poste (ICP), d’un logement pour la sage-femme, d’un point d’eau en plus des équipements. Ainsi le programme contribue à la prise en charge sanitaire des populations des zones frontalières, avec plus de 135 000 consultations effectuées (2019-2023), 224 localités polarisées dont environ 35% des fréquentations proviennent des pays voisins (la tendance s’inverse). Les évacuations sanitaires vers les centres de référence sont plus faciles avec la dotation de 111 ambulances et le déploiement de 03 bateaux médicalisés pour les iles du Saloum (Ndiodior) et de la Casamance (Sédhiou et Elinkine). Ces bateaux médicalisés s’inscrivent dans le cadre du projet de désenclavement des îles et bénéficient d’un accompagne de l’Agence nationale des Affaires maritimes (ANAM) et la Brigade nationale des sapeurs-pompiers (BNSP).  

Le PUMA contribue également à l’amélioration de l’accès à l’eau potable par la réalisation d’une cinquantaine d’ouvrages hydrauliques (forages, châteaux d’eau, AEMV, unité de potabilisation, mini forages), avec installation d’un linéaire de 45 km de réseaux d’adduction d’eau potable pour plus de 10 500 ménages impactés. Les récents ouvrages hydrauliques réceptionnés dans les régions de Tambacounda (Kidira) et de Kédougou (Département de Salémata) ont été vivement appréciés par les populations, compte tenu des problématiques d’inaccessibilité à la ressource auxquelles elles étaient confrontées depuis des années.

Pour contribuer à l’accès universel à l’électricité le PUMA a réalisé l’installation de mini centrales solaires, de panneaux solaires et des extensions des réseaux (MT, BT, HT) au profit d’environ 2000 ménages des zones frontalières.

Des infrastructures de jeunesse sont également réalisées (foyers de jeunes, terrain multifonctionnel) pour l’épanouissement de cette couche vulnérable.

L’implication des collectivités territoriales dans la mise en œuvre de ses activités contribue efficacement à la territorialisation des politiques publiques 

Le PUMA travaille en étroite collaboration avec les Collectivités territoriales des zones frontalières sur l’identification des besoins (SHEF/ MAP Actualisée), sur le choix des sites devant abriter les investissements, la délibération ,  sur la gestion des infrastructures (elles sont représentées au niveau des CDS), sur la mobilisation sociale à travers des actions d’IEC et d’ingénierie sociale pour promouvoir la fréquentation des structures sanitaires et dans la levée de certaines contraintes rencontrées par les entreprises sur le terrain durant la mise en œuvre.

Dans le cadre de la mise en œuvre du PRDC-VFS avec la Banque Mondiale, pour soutenir l’action de l’Etat , il est prévu dans le cadre de ce projet de confier aux communes la mise en œuvre des activités de la composante I liées aux neufs domaines de compétences transférées. Il s’agit de l’éducation, de la santé, de la jeunesse et loisirs et de l’environnement. Les collectivités locales seront au cœur de la mise en œuvre notamment dans l’identification des microprojets, la procédure de passation des marchés, le suivi de l’exécution, la validation des décomptes, la réception des travaux et leur mise en service.

Par Modou NDIAYE