ENTRETIEN AVEC MEISSA SENE, PDG D’EGIMS CONSTRUCTION: L’homme d’affaires solde ses comptes avec Racine Talla et Cie

Meïssa Séne, le PDG de l’entreprise EGIMS Construction Afrique, n’est pas en odeur de sainteté avec certains pontes du régime de Macky Sall. Dans cet entretien qu’il nous a accordé, il réclame un montant de presque 4 milliards de francs à Racine Talla le directeur général de la RTS et maire de la commune de Wakhinane-Nimzatt. Ce dernier l’avait sollicité pour la construction sur fonds propres de plusieurs édifices en guise de bilan pour la conquête de la mairie de Wakhinam-Nimzatt.
Le PDG d’EGIMS revient sur les détails de cette affaire et nous explique comment il a contribué à l’ascension du Dg de la RTS. Par ailleurs, il s’est prononcé sur la situation actuelle du pays et il soutient que pour lui des élections ne se tiendront pas le 24 mars 2024. Entretien.

Quelle analyse pouvez-vous faire par rapport à la situation actuelle du pays marquée par un report inédit de l’élection présidentielle et le rôle que le Conseil Constitutionnel a joué pour finalement amener le chef de l’Etat à fixer une nouvelle date?

J’ai l’habitude de dire que notre pays n’est pas à l’abri de ce qui arrive aux pays qui nous entourent. Ces derniers en sont arrivés là où ils sont en empruntant le même chemin par où nous passons actuellement. Parce que dans un pays, si les avis sont nombreux et divergents, brûler ce pays devient facile. Auparavant, seules les personnalités averties donnaient leurs opinions concernant le fonctionnement de la politique au Sénégal. Mais comme le monde évolue et que les médias se multiplient avec la naissance des groupes de presse comme ÉVIDENCE, chacun donne son avis qu’il soit positif ou négatif.
Mais pour ma part, je pointe du doigt le Conseil Constitutionnel sur tout ce qui s’est passé. Parce qu’ils sont les responsables en matière de constitution au Sénégal. Et lorsqu’il a constaté que la constitution a été violée, c’était à lui de se dresser contre les auteurs de ces forfaitures et de réhabiliter la vérité constitutionnelle avec fermeté. Le débat pouvait être clos à leur niveau. Un sage m’a dit un jour que si le Président a besoin de s’entretenir avec un détenu incarcéré dans la prison de Rebeuss il envoie la police ou la gendarmerie. Mais arrivé à Rebeuss ces forces envoyées par le chef de l’Etat ont une limite à ne pas franchir. Car les vrais gardiens de la prison sont les pénitenciers. Donc, je pense que les 7 sages du Conseil Constitutionnel sont les pénitenciers de la Constitution du Sénégal, les vrais gardiens de la Constitution. Même si d’un autre côté le chef de l’Etat évoquait des problèmes d’ordre sécuritaire et de menace d’insécurité, ce n’était pas un motif pour reporter les élections. Parce qu’il faut savoir qu’aujourd’hui des menaces planent au-dessus de tous les pays du monde. Même notre voisin le Cap-vert est menacé. Donc, les menaces ne sont pas le débat. Et ce qui est regrettable est que le Président Macky Sall avec tout ce qu’il a réalisé pour être perçu comme l’un des meilleurs présidents d’Afrique, à travers cette crise, a vu son image s’effriter petit à petit vis-à-vis des dirigeants du monde qui lui ont demandé de respecter la constitution de ce pays. Comme je l’ai dit, c’était au Conseil Constitutionnel, même s’il fallait dans leur premier avis supplier le Président, d’exiger qu’on organise ces élections en donnant une date comme ils l’ont finalement fait. Tout cela pouvait être évité car le contexte n’est pas favorable pour donner lieu à certains sujets et certains débats.

Donc, vous faites partie de ceux qui pensent que le Dialogue était inutile?

Je ne dis pas que ce n’est pas bien de dialoguer. Mais, un Président de la République doit éviter d’initier des dialogues inopportuns. Il a été élu parce que les populations ont confiance en lui. Donc, sa dimension doit être à un niveau de dépassement élevé et que c’est à lui et non personne d’autre de juger ce qui est bon ou mauvais pour ce pays. S’il juge que c’est risqué d’organiser des élections pour des raisons d’ordre sécuritaire, il doit prendre la décision seul. Mais ce n’est pas le dialogue qui décide. Et là aussi, concernant les menaces d’insécurité évoquées par le chef de l’Etat, l’équation que je n’arrive pas à résoudre est le fait que reporter des élections pour des raisons d’insécurité et fixer la date un mois après ne me paraissent pas logique.

Le dialogue n’a rien servi mais la Loi d’amnistie évoquée par le chef de l’Etat lors de ce dialogue a été votée?

Vous savez, je pense que cette Loi d’amnistie n’était pas la volonté du chef de l’Etat. Mais je pense que les erreurs commises par ses proches l’ont finalement rattrapé lui imposant de faire voter cette loi. Parce qu’il faut le reconnaître même si je suis de leur côté, les gens du pouvoir ont fait beaucoup de mal aux populations. Ils ont fait vivre le calvaire à beaucoup de citoyens sénégalais. Contrairement au véritable rôle de l’Etat qui n’est pas de menacer ses citoyens. Et c’est malheureusement le cas, car beaucoup de citoyens sénégalais ont fait l’objet de menaces et d’intimidations venant des personnalités de l’Etat. Seuls certains ont eu le courage d’élever la voix.
Et est- ce que notre pays a besoin d’une Loi d’amnistie. Même s’ils veulent régler le problème de tel ou tel opposant pour apaiser les tensions, on n’avait pas besoin de cette Loi. Il y avait d’autres voies et moyens que le Président de la République pouvait utiliser pour régler ces problèmes. Mais accuser des gens de terroristes et les libérer un beau jour sans qu’il n’y ait de jugement pour tirer les choses au clair fait peur. Donc, je pense que toutes ces planifications étaient inutiles.

Comment voyez-vous l’invalidation de la candidature de Karim Wade?

Je pense que la question des nationalités est un sujet qui ne doit en aucun cas interdire à un citoyen de participer aux élections présidentielles. Aujourd’hui beaucoup de citoyens sénégalais ont été dans des pays étrangers où ils ont contracté mariage qui a donné naissance à des enfants. Donc, si on continue sur cette lancée d’interdire aux binationaux de candidater à cette élection présidentielle, il y aura une multitude de sénégalais qui ne pourra pas servir son pays. Karim Wade est un sénégalais comme chacun d’entre nous qui a fait pour ce pays d’énormes choses que beaucoup ne peuvent pas faire. Donc, je ne suis pas d’accord pour l’invalidation de sa candidature.

Est ce que vous percevez le candidat Diomaye Faye comme futur Président du Sénégal?

Je pensais que le fait de sortir de prison pour être Président d’un pays était révolu depuis l’époque de Nelson Mandela. Mais pour le cas précis de Diomaye Faye, je ne peux pas me prononcer par le simple fait que je ne connais pas l’homme. Et c’est la première fois que cela m’arrive. C’est-à-dire que je ne peux pas connaître l’historique d’un candidat à la présidentielle. J’ai beau cherché à voir qui est Diomaye? Un Sonko on sait, mais je ne peux me prononcer sur un sujet que je ne maîtrise pas. Et il le faut le dire, la gestion d’un pays n’est pas un jeu d’enfant. Un chef d’Etat n’est pas un George Weah qui après avoir fini sa carrière de footballeur s’est reconverti en politique pour gagner les élections présidentielles.
Quiconque veut s’asseoir sur le fauteuil présidentiel doit être scruté de fond en comble. Toutefois, concernant la candidature de Diomaye, je ne connais pas son cursus. Tout ce que je sais sur lui c’est qu’il était aux impôts. Et je pense que travailler aux impôts n’est pas suffisant pour avoir le savoir et le leadership pour diriger un pays. Un Ousmane Sonko peut-être, avec tous les conseils qu’il a reçus de beaucoup d’hommes d’Etat qui se sont succédé dans le pays, a les capacités de diriger ce pays. Mais en ce qui concerne le cas De Diomaye, prions qu’il sorte d’abord de prison pour pouvoir retrouver sa famille. Également que Ousmane Sonko retrouve la liberté pour que Diomaye puisse retrouver son frère et suivre derrière lui pour continuer sur leur chemin.
Si Sonko devient un Président qu’on l’accepte, si c’est Karim Wade, qu’on l’accepte également. Et c’est pareil pour Amadou Ba.

Mais vous parlez comme si Karim Wade et Sonko sont des candidats, vous semblez oublier que leur candidature est invalidée par le Conseil?

Vous savez, malgré la date du 24 mars fixée par le chef de l’Etat, je fais partie de ceux qui pensent que des élections ne vont pas se tenir à cette date. Parce que si le Président initie un dialogue pour régler des problèmes qui peuvent brûler le pays avec des non-dits. Allant jusqu’à faire voter une Loi d’amnistie. C’est parce qu’il sait qu’il laisse derrière lui certaines légèretés qui n’honorent pas son rang. Car, il ne faut pas oublier que la Loi d’amnistie n’efface pas tous les délits qui ont été commis durant le régime du Président Macky Sall. Et qu’un autre Président élu peut faire le rappel. Également, une Loi votée au moment où on dissout le gouvernement, juridiquement cela pose problème.
Donc, je pose la question aux juristes de ce pays à savoir si cette Loi est valable sachant que son vote coïncide avec la dissolution du gouvernement. Parce que dans un document administratif on mentionne jamais l’heure de la délivrance.

Par ailleurs, vous êtes l’un des acteurs des nombreuses réalisations du Président Macky Sall avec votre société Egims Construction Afrique. Une société qui a pas mal de réalisations à son actif notamment dans la sous-région dans des pays comme le Gabon, la Guinée Bissau et la côte d’ivoire avec les aménagements que votre entreprise a réalisés lors de la dernière Can. Mais récemment vous êtes devenu subitement silencieux.Qu’en est il de vos rapports avec le régime du Président Macky Sall?

Tout d’abord, il faut reconnaître que le Président Macky Sall est celui qui compte à son actif plus de réalisations que ses prédécesseurs. Mais en ce qui concerne mon silence, il faut reconnaître que je ne l’ai pas voulu personnellement. J’ai accompagné le Président de la République dans des chantiers à Guédiawaye et ailleurs. Mais si je cite Guédiawaye, c’est parce que notre silence est en partie dû à ce département du pays.Parce qu’on a réalisé pas mal de choses à Guédiawaye pour le compte de l’Apr. Des personnalités comme Racine Talla ou Aliou Sall et même le Président Macky Sall ont sollicité notre expertise à Guédiawaye dans des projets de construction. Donc, si je respecte mes engagements et que je constate qu’il y’a des manquements venant de ses autorités de l’Etat envers mon entreprise, cela vaut la peine de se retirer un tout petit peu pour prendre comme arme le silence. Parce qu’il faut le reconnaître ce sont nos responsables et que nous avons le devoir de respecter notre administration même si elle manque à ses obligations. Comme il y a des procédures que l’administration a mises en place dans des cas où nos droits sont bafoués, on a choisi de suivre ces procédures. Et dans ce cas de figure le silence s’impose.

Vous avez évoqué le nom de Racine Talla, qui est le maire de Wakhinane-Nimzatt. Quel est le différend qui vous oppose?

Avec mon entreprise, nous avons contribué à développer la commune de Wakhinane-Nimzatt en réalisant pour le compte de Racine Talla pas mal de projets pour son bilan. Je fais également partie de ceux qui ont contribué à son ascension. Ce n’est pas moi qui le dit. A son élection en tant que maire de Wakhinane-Nimzatt, il encourt le risque de perdre son poste à la RTS s’il perdait les élections municipales. Lors de notre entretien qu’il a sollicité auprès de ma modeste personne, il m’a fait part de ses projets qu’il veut que je réalise pour lui. J’ai les preuves écrites de nos conversations. Et quand j’ai fini les projets qu’il a commandé et que, à sa grande surprise, j’ai pu réaliser en treize mois sur fonds propres le lot de projets qu’il m’avait demandé, je pense qu’il ne devait pas y avoir de manquements à son niveau. J’ai investi presque 4 milliards dans ces projets et je n’ai eu pour l’instant aucun retour de sa part, zéro francs il ne m’a remboursé. Et le pire est que j’ai eu une réponse de sa part qui est assez amer, c’est-à-dire que s’était à lui de voir et que l’Etat est plus puissant que moi. Qu’il pouvait m’écraser s’il le voulait parce qu’il est l’Etat. Mais il n’a pas tardé d’entendre ma réponse qui lui rappelait que je ne faisais pas face à l’Etat mais plutôt à un escroc de l’Etat. Ce qu’il oublie est que nous faisons tous partie de l’Etat et que lui n’occupe que des fonctions de directeurs d’une télé comme votre patron. Mais une télé qui nous appartient nous sénégalais. Toutefois, nous faisons confiance en la Justice et en l’Administration de notre pays. Des responsables m’ont demandé de garder ma sérénité pour qu’on règle le problème. Je fais ce qu’ils me disent et j’attends. Et c’est la raison de mon silence.

Concernant Aliou Sall, l’ancien maire de Guédiawaye. Quel est le différend qui vous lie ?

Lorsque le Président de la République nous a demandé de construire sur fonds propres les cimetières de Guédiawaye qu’ils soient soient musulmans ou chrétiens, parce qu’on avait un programme d’université qui devait être construit sur une superficie de 6 hectares, la condition était qu’on devait construire les cimetières. Aliou nous a mis sur la table d’autres conditions que je ne vais pas citer. Aujourd’hui je rends grâce à Dieu pour m’avoir donné la possibilité de remplir toutes les conditions qu’on m’avait exigé pour la construction de l’Université Cheikh Oumar Foutiyou Tall en partenariat avec la société Baeaubab du directeur général Massamba Diop. Donc, si en retour l’Etat n’honore pas son engagement envers un de ses fils, on ne peut que garder le silence. Donc, je pense que dans les deux dossiers que ce soit celui de Racine Talla ou celui d’Aliou Sall, on est fier d’avoir réalisé autant de projets à Guédiawaye constitués de routes, de caniveaux, de postes de Santé, des terrains de basket, des terrains de Handball, des éclairages publics, le Canal de Serigne Assane et d’un accompagnement.

Quel est votre dernier mot?

Je prie pour que la paix règne dans notre pays. Mais juste que, même si on respecte l’administration, nous leur rappelons de respecter nos droits dans les dossiers qui nous lient avec Racine Talla et Aliou Sall. Parce qu’il faut savoir que nous avons des partenaires avec lesquels nous travaillons. Donc, si l’Etat met en mal les contrats qui nous lient avec lui, ils nous causent beaucoup de torts. Car, nos partenaires financiers et autres ne comprennent pas ce qui se passe.
Je pense qu’aujourd’hui, l’administration doit dire la vérité à Racine Talla. C’est moi qui suis à l’origine de son ascension, je suis le comptable de son bilan et je suis à des milliards avec lui. Donc, il doit être conscient de cet état de fait, on ne joue pas. S’il est un peu mécontent du fait qu’on est allé voir les autorités compétentes pour le dénoncer, c’est son affaire à lui. On lui conseille de respecter ses engagements, car nul n’est au-dessus de la Loi.
Et il ne faut pas oublier la manifestation de la Force divine. Vous savez on a pas besoin de faire du bruit. Parce que si on s’était acharné à poursuivre Racine Talla, on aurait causé beaucoup de bruit.
Mais Dieu a fait qu’ on a eu la maturité d’éviter tout cela. Maintenant on attend la décision des autorités compétentes. Car on est pas des gens qui sèment le trouble. Pourtant nous savons beaucoup de choses concernant le littoral, donc il n’a qu’à veiller à cela. Le partage du Foncier dans ce pays, nous en savons beaucoup de choses. Certains responsables de ce pays ne défendent plus les intérêts des populations mais plutôt se remplissent les poches. Et nous appelons les personnes qui sont concernés de près ou de loin à notre dossier, qu’ils soient du côté des religieux qu’ils soient du côté des politiciens, d’agir dans le sens de clarifier les choses. Car cette affaire sera clarifiée.

Abdourahmane SY