Le climat politique sénégalais s’échauffe. Bougane Gueye Dany, leader de la Coalition «Geum Sa Bopp, les Jambaars», a été convoqué à la division de la cybercriminalité suite à une série d’arrestations dans les médias, marquant un tournant dans la lutte pour la vérité économique au Sénégal. L’affaire, qui avait déjà vu l’arrestation du journaliste Yérim Seck et d’autres personnalités comme le chroniqueur Kader Dia et l’ex-commissaire Keita, a pris une nouvelle tournure avec l’interpellation de Bougane.
Retour sur les faits :
Bougane, connu pour son engagement dans l’opposition, a appelé au calme et à la sérénité de ses militants, affirmant qu’il se présenterait devant la justice avec confiance. Accompagné de ses avocats ,une équipe de défense composée de Me Amadou Sall, Me Alioune Badara Fall, Me Djiby Diallo, et d’autres – il s’est rendu à la division de la cybercriminalité. Après plusieurs heures d’audition, il a finalement été placé en garde à vue.
Cette garde à vue intervient dans un contexte tendu, marqué par des accusations graves portées par l’opposant Ousmane Sonko, leader du parti Pastef, contre l’ancien gouvernement sénégalais. Sonko accuse les hauts fonctionnaires du ministère des Finances et le président Macky Sall de falsification des données budgétaires, des propos qui ont secoué la sphère politique et économique du pays.
Le procès-verbal : entre affrontements politiques et enjeux économiques
Lors de son audition, Bougane Gueye Dany a rejeté les accusations portées contre lui, tout en s’attaquant aux déclarations de Sonko. Il a soutenu que toutes les informations budgétaires transmises aux partenaires internationaux du Sénégal, sous la supervision de fonctionnaires tels que Cheikh Diba qui était le directeur de la programmation budgétaire d’alors, sont conformes aux normes établies par la BCEAO. Selon lui, si Sonko prétend que ces chiffres sont falsifiés, cela revient à accuser de nombreux fonctionnaires et institutions, mettant en danger la stabilité du pays.
Interrogé sur les propos qu’il aurait tenus à l’égard de Sonko, Bougane n’a pas manqué de souligner que Sonko, de son côté, a publiquement accusé le président Macky Sall de mensonge, ce qui, pour Bougane, relève davantage d’un acte politique que d’une véritable critique budgétaire.
L’impact sur la crédibilité du Sénégal
La déclaration la plus marquante de Bougane au cours de cette audition est celle sur les conséquences internationales des accusations de falsification de données. Il a souligné que les propos de Sonko ont terni la réputation du Sénégal, affectant notamment les relations avec les partenaires financiers et les marchés. Il a rappelé que, peu après ces accusations, le Sénégal a dû emprunter sur le marché de l’UEMOA à un taux d’intérêt particulièrement élevé (6,5 % au lieu de 5 %), ce qui reflète une perte de confiance des investisseurs.
Bougane a également remis en question la cohérence des accusations de Sonko, en citant le rapport de la Cour des comptes sur la gestion de la dette publique pour la période 2018-2020, qui n’a révélé aucune falsification. Ce document, disponible au public depuis août 2022, est pour lui une preuve solide de la transparence du gouvernement.
Une affaire de diffamation, ou un enjeu national ?
Au cœur de cette audition, Bougane a été interrogé sur des accusations de diffamation et de diffusion de fausses nouvelles. Il a affirmé que ses déclarations visaient à rétablir la vérité après ce qu’il considère comme de graves allégations de Sonko, qui pourraient discréditer le Sénégal à l’échelle internationale. Pour Bougane, la question va au-delà d’un simple affrontement personnel : il s’agit de défendre l’intégrité et la réputation du pays tout entier.
Cependant, il n’a pas manqué de relever une anomalie procédurale : aucune question ne lui a été posée directement sur les accusations de diffusion de fausses nouvelles, ce qui explique pourquoi il a refusé de signer le procès-verbal à la fin de son audition.
Une arrestation aux répercussions politiques incertaines
Bougane Gueye Dany est actuellement détenu au commissariat de Plateau à Dakar. Sa convocation, qui ne repose ni sur une plainte officielle ni sur une auto-saisine du procureur, interroge sur les motifs réels de son arrestation. Dans un climat où la campagne électorale bat son plein, cette affaire pourrait bien cristalliser les tensions entre le pouvoir en place et une opposition de plus en plus déterminée à remettre en cause la gestion économique du Sénégal.
L’affaire Bougane s’annonce comme un tournant dans les rapports de force politiques au Sénégal, mettant en lumière des enjeux économiques majeurs, mais aussi la fragilité des relations entre l’État et les administrés.