L’ Ingénieure urbaniste-aménagiste Ndeye Léonie Ba appelle à un défi collectif pour un logement accessible
La ville de Dakar, en pleine expansion économique et démographique, fait face à une crise persistante du logement. La hausse des loyers, qui s’est accélérée ces dernières années, constitue une source majeure d’inquiétude pour une grande partie de la population. Cette situation met en évidence les limites structurelles et sociales du marché immobilier sénégalais. Une analyse approfondie permet de mieux comprendre les causes de cette flambée des prix et d’envisager des solutions adaptées à ce problème complexe.
LES FACTEURS DE LA HAUSSE DES LOYERS
La pression démographique à Dakar est l’un des principaux moteurs de l’augmentation des loyers. En tant que capitale politique, économique et culturelle, Dakar attire chaque année des milliers de nouveaux arrivants : travailleurs, étudiants, entrepreneurs et migrants ruraux. Cette croissance rapide crée un déséquilibre structurel entre l’offre et la demande de logements.
Par ailleurs, la spéculation immobilière aggrave la situation. De nombreux promoteurs privilégient des projets de luxe destinés à une clientèle aisée ou étrangère, laissant les ménages modestes sans options abordables. Cette tendance est exacerbée par l’absence de régulation efficace des prix des loyers. Bien que des lois existent pour encadrer les pratiques des bailleurs, leur application reste limitée, permettant ainsi une hausse incontrôlée des tarifs.
Un autre facteur déterminant est l’inflation sur les matériaux de construction. L’importation de ces matériaux, combinée à la dévaluation de certaines monnaies et aux fluctuations des marchés internationaux, entraîne une augmentation des coûts de construction. Ces charges supplémentaires sont souvent répercutées sur les locataires, rendant les logements encore moins accessibles.
LES RÉPERCUSSIONS SOCIALES ET ÉCONOMIQUES
La flambée des loyers a des conséquences profondes sur la qualité de vie des Dakarois. Une part croissante des revenus des ménages est consacrée au logement, laissant peu de marge pour d’autres dépenses essentielles telles que l’alimentation, l’éducation ou la santé. Pour les foyers les plus modestes, cela se traduit par une multiplication des logements surpeuplés ou précaires, souvent dépourvus d’eau courante ou d’électricité.
Les inégalités se creusent également entre les habitants du centre-ville, qui bénéficient d’infrastructures et de services modernes, et ceux des périphéries, contraints de faire face à des trajets longs et coûteux pour rejoindre leur lieu de travail. Cette situation contribue à renforcer une ségrégation spatiale, où le centre reste inaccessible à une majorité de la population.
Sur le plan économique, le coût élevé des loyers menace également l’attractivité de Dakar. Les petites entreprises et start-ups, qui jouent un rôle clé dans l’économie locale, peinent à attirer et à retenir des talents lorsque leurs employés rencontrent des difficultés à se loger.
DES SOLUTIONS POUR UN MARCHÉ PLUS INCLUSIF
Face à ce constat alarmant, des mesures concrètes doivent être envisagées pour rééquilibrer le marché immobilier et garantir un accès équitable au logement :
- Renforcer l’application des lois sur le contrôle des loyers:
Bien que des textes existent, leur mise en œuvre reste insuffisante. L’État pourrait créer une autorité indépendante chargée de surveiller les pratiques des propriétaires et d’intervenir en cas d’abus. - Encourager le développement de logements sociaux:
L’investissement dans des logements sociaux accessibles à toutes les couches de la population est une priorité. Les pouvoirs publics pourraient collaborer avec les promoteurs privés pour lancer des projets subventionnés, tout en veillant à ce qu’ils répondent aux besoins des ménages modestes. - Réduire les coûts de construction:
La baisse des taxes sur les matériaux de construction ou le soutien à la production locale pourrait réduire les coûts et encourager les promoteurs à investir dans des logements abordables. - Améliorer les infrastructures en périphérie:
Pour désengorger le centre-ville, l’État doit investir dans les transports publics, les écoles, les hôpitaux et les services de base dans les zones périphériques. Cela rendrait ces zones plus attractives et réduirait la pression sur les quartiers centraux. - Encadrer la spéculation immobilière:
Des taxes spécifiques sur les terrains ou logements non développés pourraient dissuader la spéculation et encourager une utilisation plus efficace des ressources foncières. - Créer des emplois dans la gestion locative:
Les mairies pourraient recruter des jeunes pour surveiller les logements et les locataires, tout en professionnalisant le métier de courtier immobilier à travers des formations et certifications. - Créer un observatoire du logement:
Un organisme dédié permettrait de recueillir des données fiables sur l’évolution des loyers et d’orienter les politiques publiques. Recenser les logements disponibles dans chaque quartier faciliterait également la régulation du marché locatif. - Renforcer la transparence:
L’enregistrement obligatoire des contrats de location et des pièces d’identité des locataires auprès des mairies permettrait de mieux contrôler les pratiques dans le secteur.
UNE ACTION COLLECTIVE POUR UNE VILLE INCLUSIVE
La crise du logement à Dakar reflète les défis économiques et sociaux du Sénégal en pleine transformation. Pour y faire face, une action concertée impliquant les autorités publiques, les promoteurs immobiliers, les associations de défense des droits des locataires et les citoyens est indispensable. «Garantir un logement accessible et décent pour tous n’est pas seulement une nécessité sociale : c’est aussi un impératif économique et moral pour bâtir une Dakar équitable et prospère»
Ndeye Léonie Ba Ingénieure urbaniste- aménagiste Présidente du Mouvement MCAP – And Suxali Sunu Rew