Rencontre avec le gouvernement: Syndicalistes et employeurs dressent un tableau sombre du monde du travail

Les centrales syndicales et le patronat ont exposé, devant le Premier ministre Ousmane Sonko et son gouvernement, les difficultés que rencontre le monde du travail dans un contexte économique difficile. Chaque représentant, dans tous les secteurs, s’est exprimé pour détailler les problèmes auxquels sont confrontés les travailleurs. 

Le Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (SAES) soulève des préoccupations sociales 

Pour le Syndicat autonome de l’enseignement supérieur (SAES), il s’est d’abord agi de rappeler que depuis le 6 janvier 2023, six points ont été retenus, sans oublier les difficultés des étudiants. « Le SAES est un syndicat responsable, mais on parle de social, et nous sommes un syndicat social. En effet, les veuves de nos camarades doivent être prises en compte. Les cotisations de nos camarades disparus doivent revenir aux veufs et veuves, qui sont réduits à une situation d’extrême pauvreté », a réclamé la porte-parole, estimant que « la revendication du SAES, c’est la réversion des droits. » 

Adama Sow Kebe, représentant des étudiants, dénonce des conditions précaires 

Pour Adama Sow Kebe, représentant des étudiants, il s’est d’abord agi de regretter « une convocation en moins de 24 heures ». Les étudiants ne sont pas de simples spectateurs, selon Kebe, qui informe le Premier ministre que les étudiants vivent dans des conditions d’étude de plus en plus précaires. « Il est impératif d’organiser une rencontre dédiée aux étudiants pour nous permettre de proposer des solutions. Nous demandons seulement un effort à la hauteur des défis », a ajouté Adama. 

Un secteur de la santé souvent paralysé 

Le secteur de la santé n’est pas resté en marge des préoccupations. Mballo Dia Thiam, au nom des acteurs de la santé et de l’action sociale, a évoqué les revendications en suspens, notamment les augmentations de salaires, les préoccupations liées au décret, le statut des personnels de santé et l’action sociale.  

Mamadou Demba Ndour, représentant le SAMES, a également listé les difficultés de son organisation : « Je vous interpelle respectueusement en vous disant que plusieurs jeunes qui sortent des écoles de santé sont dans la rue. Dans la gestion des ressources humaines de l’État, ce dernier doit prendre en charge ces jeunes. Nous constatons une disparité dans le traitement des agents de santé. Si nous voulons relever l’économie sénégalaise, il faut une bonne santé… L’injustice de la grille indemnitaire est aussi une de nos préoccupations. Si nous sommes dans la rue, c’est parce que nous n’avons pas eu un langage franc avec la tutelle », regrette le syndicaliste. 

Les licenciements des travailleurs dénoncés 

Elimane Diouf, secrétaire général de la CSA, se réjouit de cette rencontre et prend acte des enjeux. « Nous sommes des acteurs et des citoyens. En effet, le dialogue social nous a valu dans le passé des résultats… mais nous avons des préoccupations d’ordre organisationnel : la question de la Poste… (comment mettre en place un plan de redressement)… la relance du secteur du BTP, qui devra permettre de préserver des milliers d’emplois, ainsi que la réintégration des travailleurs licenciés », a-t-il expliqué. Cependant, Cheikh Diop, de la CNTS/FC, ajoute à ce propos : « Nous sommes face à des accords qui n’ont pas été respectés. Il y a, en effet, un passif social réel, des droits violés, foulés au pied, ainsi que d’énormes problèmes de licenciements et d’entreprises en difficulté », a dénoncé le porte-parole de la CNTS/FC, sans oublier de souligner que les responsables syndicaux du Sénégal ont choisi le combat du progrès social. Selon lui, « le mouvement syndical sénégalais ne recourra qu’à la revendication comme arme de combat, et non à la violence. Nous ne voulons pas d’une maison aux Almadies, mais éteindre le feu de celle qui se trouve dans la banlieue. » 

Mody Guiro, SG de la CNTS, revient sur la remise en cause des acquis sociaux 

Mody Guiro, secrétaire général de la CNTS, revient sur la remise en cause des acquis sociaux : des directeurs généraux qui foulent aux pieds les droits des travailleurs, un dialogue social toujours mis en œuvre par les acteurs et partenaires sociaux malgré les difficultés. En réalité, il considère que le rôle des syndicats dans la bataille économique revêt plusieurs aspects. Il faut se pencher sur l’arrêt des licenciements abusifs, créer les conditions d’une paix sociale durable et instaurer une confiance mutuelle entre les partenaires, selon Mody Guiro. 

Baïdy Agne : « L’entreprise sénégalaise est en difficulté » 

Le patronat, représenté par Baïdy Agne, président du CNP, a également participé au débat face au gouvernement ce jeudi. Le patronat estime que « l’espace du dialogue social doit être établi et être à l’écoute des partenaires sociaux ». D’après les employeurs, « il est de leur devoir et de leur responsabilité d’envisager l’entreprise par le travail, la productivité et le mérite ». Toutefois, il ajoute que l’entreprise a entendu les syndicats, mais rappelle que « le doute est l’ennemi de l’entreprise… ». Dans son intervention, Baïdy Agne indique que « lorsque l’entreprise est en difficulté, le monde social est aussi en difficulté ». 

Ainsi, il considère que l’entreprise a été fortement éprouvée par une série de chocs, mais elle a fait preuve de résilience. Cependant, la dette intérieure s’est amplifiée, et la situation reste difficile. « Si le secteur privé est un acteur clé de la nouvelle politique du nouveau régime, alors le dialogue est une nécessité pour des relations qui doivent être bâties sur la confiance et le respect mutuel », a-t-il conclu.

Ousmane Sonko aux acteurs sociaux : « Nous devons œuvrer ensemble pour la construction d’un modèle basé sur la franchise et l’altruisme »

À l’issue d’une écoute attentive des représentants des centrales syndicales et du patronat, le Premier ministre Ousmane Sonko a souligné que cet exercice de dialogue tripartite devait s’appuyer sur une analyse approfondie de la situation de référence, celle des 18 millions de Sénégalais. Ousmane Sonko a rappelé aux partenaires sociaux que cette situation, bien que d’une extrême gravité, nécessitait avant tout la mise en place d’un socle solide pour sortir de la logique des urgences. « On ne peut rien construire sur la base d’urgences. Au Sénégal, nous ne pouvons pas penser que tout doit changer en un éclair. Il nous faut faire preuve de dépassement », a-t-il insisté. 

Le chef du gouvernement a également appelé les syndicalistes à garantir un minimum : axer les échanges sur la vérité. Selon lui, l’État, sous la conduite du gouvernement, ne cachera absolument rien aux acteurs sociaux. « Nous devons être jugés à travers un pacte. À partir de là, nous pourrons construire un modèle basé sur la franchise et l’altruisme, et c’est ce à quoi nous convions les partenaires sociaux », a-t-il ajouté.