Services financiers numériques : entre inclusion, risques sécuritaires et responsabilités partagées

L’essor fulgurant des services financiers numériques (SFN) au Sénégal, a ouvert de nouvelles perspectives d’inclusion financière. Toutefois, cette expansion rapide s’accompagne d’une série de risques qui interpellent aussi bien les autorités que les usagers. C’est ce qui ressort de la campagne de sensibilisation organisée à Thiès par l’Observatoire de la Qualité des Services Financiers (OQSF), en partenariat avec la Banque Mondiale et les associations de consommateurs* .

Au-delà de la simple vulgarisation des outils numériques, cette initiative s’inscrit dans une dynamique de prévention, d’éducation citoyenne et de sécurité nationale. Car, derrière les promesses d’accessibilité et de rapidité des services se cachent de réelles vulnérabilités : tentatives d’escroquerie, faiblesse de la couverture réseau, inattention des utilisateurs, défauts dans la chaîne de distribution… autant de facteurs qui fragilisent la confiance du consommateur.

L’économie numérique sous tension

Selon Banda Diop, médiateur des banques et des systèmes financiers décentralisés, l’enquête menée en 2022 avec l’appui du CGAP de la Banque Mondiale a révélé des carences préoccupantes. « L’urgence, aujourd’hui, c’est la création d’une association professionnelle des émetteurs de monnaie électronique pour réguler le secteur », souligne-t-il. Ce besoin d’encadrement devient d’autant plus pressant que 90 % des usagers des SFN ont été exposés, à des degrés divers, à des tentatives d’arnaques dont 38 % de manière directe.

Cette situation met en lumière un enjeu crucial pour l’économie sénégalaise : comment garantir l’inclusion sans compromettre la sécurité ? Car si les SFN permettent d’atteindre des populations autrefois exclues du système bancaire classique, ils peuvent aussi, en l’absence de garde-fous solides, devenir un terreau fertile pour les activités frauduleuses.

Un défi sécuritaire national

Pour Habib Diallo, expert à l’OQSF, la réponse doit être globale. « Il ne s’agit pas seulement de former les consommateurs, mais aussi d’outiller les forces de défense et de sécurité afin de prévenir et de sanctionner les nouvelles formes de criminalité financière », explique-t-il. D’ailleurs, le Premier ministre Ousmane Sonko a récemment instruit la mise en place d’un comité chargé de lutter contre la fraude numérique, preuve que la menace est prise au sérieux au plus haut sommet de l’État.

Le citoyen au cœur de la riposte

Dans cette bataille, le rôle du consommateur est central. « Il faut une vigilance individuelle, une responsabilité collective et une régulation rigoureuse », martèle Amadou Moustapha Gaye, coordonnateur de l’Association des Consuméristes du Sénégal. Pour lui, éduquer les usagers, c’est leur offrir une première ligne de défense face aux cybermenaces.

Au final, cette campagne à Thiès, qui fait suite à celles de Ziguinchor et Saint-Louis, illustre une volonté croissante de bâtir une économie numérique plus sûre et plus inclusive. Mais la route reste longue. Il faudra conjuguer efforts institutionnels, coopération multisectorielle et engagement citoyen pour que le numérique soit véritablement un levier de progrès, et non une nouvelle source d’insécurité.
Anta Fofana Konaté (Correspondante)