Manque criard d’effectifs dans les tribunaux: Où sont les 35 jeunes magistrats formés?

Le système judiciaire sénégalais traverse une période critique. Dans plusieurs juridictions à travers le pays, le manque criard de magistrats ralentit gravement le fonctionnement de la justice. À Kaolack, par exemple, le Tribunal d’instance ne compte actuellement qu’un seul magistrat pour traiter l’ensemble des dossiers. Un cas loin d’être isolé, tant la pénurie de personnel touche une grande partie du territoire national. Dans les régions, de nombreux tribunaux tournent au ralenti, faute d’effectifs suffisants. Résultat : les retards s’accumulent, les audiences sont espacées, les détentions provisoires s’allongent, et la frustration des justiciables grandit. Ce manque de ressources humaines est aujourd’hui l’un des principaux freins à l’efficacité du service public de la justice.

C’est dans ce contexte préoccupant que l’on s’interroge sur le sort de 35 jeunes magistrats fraîchement diplômés du Centre de Formation Judiciaire (promotion 2022-2024). Ces nouveaux juges, formés pendant deux ans, ont officiellement reçu leurs diplômes lors d’une cérémonie présidée par le chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, le 28 février 2025. Pourtant, plus de trois mois après cette remise solennelle, ils n’ont toujours pas reçu leur ordre de service. Une situation qui suscite incompréhension et inquiétude, alors que les juridictions manquent cruellement de bras. Pourquoi ces magistrats ne sont-ils pas encore déployés alors que l’urgence est manifeste sur le terrain ? S’agit-il de lenteurs administratives, de blocages budgétaires ou d’un simple déficit de planification ? Le décalage entre les besoins pressants de la justice et l’inaction institutionnelle interroge, d’autant plus que les nouvelles autorités ont fait de la réforme judiciaire une priorité nationale, avec des engagements forts pris lors du Dialogue national de mai-juin 2024.

Dans une réponse datée du 27 mars 2025 à une question du député Mady Danfakha, qui avait interpellé le 12 février le ministre de la Justice sur la situation spécifique du déficit en personnel magistrat à Tambacounda, le Garde des Sceaux Ousmane Diagne a reconnu que ce problème n’est pas propre à cette juridiction. « En effet, de manière générale, le déficit en personnel magistrat est perceptible dans toutes les juridictions du Sénégal », a-t-il affirmé. Le ministre a détaillé les chiffres : le Sénégal compte actuellement 522 magistrats répartis ainsi : 48 à la Cour suprême, 31 à l’administration centrale, 397 dans les cours et tribunaux, 45 en détachement, et 1 en disponibilité. Ce chiffre est dérisoire au regard des besoins du pays et de la charge de travail croissante à laquelle sont confrontés les magistrats sur le terrain.

Le ministre Ousmane Diagne a toutefois annoncé dans cette même réponse parlementaire que les 35 magistrats issus de la promotion 2022-2024 du Centre de Formation Judiciaire seront « très bientôt » mis à la disposition des premiers présidents des six cours d’appel du pays. Ces derniers se chargeront alors de les ventiler dans les différents tribunaux de leurs ressorts respectifs. Une mesure qui, si elle est effectivement mise en œuvre dans les meilleurs délais, pourrait soulager temporairement les juridictions en sous-effectif et constituer une réponse concrète aux attentes des justiciables.

Cependant, tant que ces jeunes magistrats restent en attente d’affectation, la chaîne judiciaire continue de s’enliser dans les lenteurs et les retards. Leur mise en poste rapide enverrait un signal fort à l’opinion publique sur la volonté réelle des nouvelles autorités de rendre la justice plus accessible, plus rapide et plus équitable. Car au-delà des discours, c’est par des actes concrets que se mesurera l’engagement du pouvoir en faveur d’une justice au service des citoyens.

Par Sadio FATY