Le processus d’élargissement d’Ousmane Sonko, comme tous ceux qui ont jalonné son Action depuis la création de son parti, a encore les relents d’un scénario fort rocambolesque dont l’issue ultime est partie pour nous réserver des surprises déroutantes.
Le « Messie » de la jeunesse révolutionnaire sénégalaise, Ousmane Sonko, pour sûr, va donc humer à nouveau l’air de la liberté. Tout porte à croire que ce n’est plus qu’une question d’heures. Sauf revirement. En fait, si les choses évoluent à un rythme aussi trépidant, c’est parce que la Force régalienne qu’il a toujours accusée d’être le principal maitre d’œuvre de son incarcération a enfin pris sur elle la résolution de se débarrasser d’une patate trop chaude qui risque fort bien, à mesure que le temps avance, de lui brûler tout ce qu’il a de plus précieux : ses amitiés, son compagnonnage politique, son influence géopolitique et diplomatique, le côté reluisant de son bilan à la tête du pays, et pourquoi pas ? sa dignité et son avenir. En effet, à l’heure qu’il est, la libération de son adversaire le plus coriace est un enjeu de haute portée politique, et peut être même bien plus. Et pour comprendre pourquoi il en est ainsi, il suffit de remonter le cours du temps récent pour interroger certaines tractations initiées tous azimuts et dans la plus grande discrétion.
La grande leçon de réalisme des « gradés »
D’après nos sources, le chef de l’Etat aurait recueilli et avalisé la sage recommandation de hautes personnalités de la Grande Muette, qui lui auraient conseillé d’aller dans le sens de choisir le moindre mal ; ce qui, concrètement, revient à rebattre les cartes du processus électoral afin de créer les conditions d’une libération d’Ousmane Sonko, et par conséquent, de rendre possible sa participation à l’élection.
Une telle option présente selon eux au moins deux avantages : le règne d’une décrispation tant appelée de tous leurs vœux par nombre de citoyens sénégalais et (c’est là le plus important) ôter à Bassirou Diomaye Faye toute possibilité de continuer à aspirer à des prétentions présidentielles. Car cet homme de confiance de Ousmane Sonko, compte tenu de sa nature revancharde, de son opiniâtreté déroutante et de son absence d’obédience connue) serait, à tout prendre, une véritable tragédie institutionnelle si jamais il venait à s’emparer du pouvoir par les urnes. Ce monsieur est d’un entêtement qui dépasse tout entendement et son accession à a tête de l’Etat a été décrite au « Macky « comme un interminable film à rebondissements qui ne prendrait fin que s’il arrivait à régler leurs comptes à son prédécesseur et à tous ceux qui se seraient impliqués d’une façon d’une autre aux multiples affres de son magistère.
Lecture expliquée du rôle d’Atepa, Ousmane Yara, Alioune Tine et Cie dans la toute prochaine libération de Sonko
Comme nous l’écrivions, peu de Sénégalais peuvent s’imaginer à quel point sont profondes les relations entre le chef de l’Etat et le célèbre architecte. En fait, ils entretiennent une étonnante familiarité qui les prédispose à se traiter comme de vrais « copains », et dès fois même de manière plus ou moins irrévérencieuse. L’on comprend bien dès lors pourquoi il s’est fait mandater (au même titre que le Guinéen Ousmane Yara, Alioune Tine entre autres mandataires…) aux fins de croquer l’oreille d’Ousmane Sonko afin de l’amener à valider les termes de ce fameux protocole au cœur duquel est inscrite une loi d’amnistie. Laquelle proposition est traitée par l’intéressé (selon le très infomé Mollah Morgun) avec une totale réserve, car sentant que de toute façon elle présente d’une manière ou d’une autre une face insidieuse.
En effet, le protocole, d’après des indiscrétions absolument crédibles, stipulerait que tous les crimes liés aux violents remous ayant secoué le pays (c’est-à-dire les crimes imputables au régime de Macky Sall comme ceux imputables au Pastef et à son maitre à penser) seront irrévocablement absous. Evidemment- pour paraphraser Mollah- Ousmane Sonko trouve un tel deal plutôt indigeste et refuse catégoriquement de prendre dans ce sens un engagement favorable qui, in fine, conduirait inévitablement son parti vers la division et l’implosion.
C’est justement cette implosion qui est essentiellement visée par les manœuvriers de Benno Bokk Yaakar. Ce qui est recherché, et qui apparait comme une impérieuse stratégie de déstabilisation programmée, c’est le fait de créer les conditions d’une scission interne, qui ne serait pas le fait de l’adversaire d’en face, mais qui serait le fruit parfait de son inspiration. Mais selon toute vraisemblance, tout ne devrait pas se passer comme prévu ; car, comme le martèlent certains observateurs, le sieur Sonko n’a pas des militants, il a des obligés, des fous heureux ; et rien sans doute ne pourrait l’empêcher de retrouver intactes son aura et son parti une fois dehors.
La loi d’amnistie adoptée
Les députés sénégalais ont en effet adopté cette loi d’amnistie des actes liés aux violences politiques des dernières années, par 94 voix pour et 49 contre.
Cette loi est pourtant vivement critiquée par l’opposition et même par certains membres du parti de Macky Sall. Elle vise l’amnistie générale sur tous les événements survenus depuis 2021, c’est-à-dire sur les grandes manifestations qu’a connues le Senegal sur pour protester contre l’arrestation et l’incarcération de l’opposant Ousmane Sonko puis pour dénoncer le report de l’élection. Au cours de ces manifestations, au moins 60 personnes, surtout des jeunes, ont été tuées par les forces de sécurité. Beaucoup estiment que ce texte – présenté par le président comme une opportunité « d’amnistie et de pardon (…), des vertus salutaires pour la nation » et qui permettrait la libération d’opposants emprisonnés – n’a qu’un seul but : assurer aux forces de sécurité, au gouvernement et à Macky Sall lui-même mais aussi et surtout à Ousmane Sonko et ses proches
L’Etat du Senegal se désiste de son pourvoi en Cassation
Contre toute attente, l’Etat du Sénégal s’est désisté de son pourvoi contre la décision de réhabiliter Ousmane Sonko des listes électorales. Le leader de l’ex-Pastef redevient donc éligible.
La condamnation d’Ousmane Sonko par contumace est définitivement anéantie après ce désistement de l’Etat du Sénégal, qui confirme donc la décision d’abord prise par Sabassy Faye à Ziguinchor, confirmée par le Tribunal de Dakar.
Dernière minute- L’exil ou rien
Karim Wade, en son temps, a été sorti de prison et exilé de force. En tout cas c’est ce que soutiennent mordicus ses affidés. Un exil qui a duré de longues années et dont les tenants et les aboutissants échappent encore à beaucoup d’entre nous. Et depuis, Wade fils n’a pas remis les pieds au pays.
Selon toute vraisemblance, c’est un tel sort qui sort qui serait réservé à Ousmane Sonko contre sa liberté. Sans quoi sa prise en otage pourrait encore durer. Il se dit que l’homme a catégoriquement refusé de céder à une telle pression. Le régime aurait tout tenté, tout promis, donné toutes formes de garanties pour arriver à le faire abdiquer dans ce sens. Ainsi, l’on est en droit de se demander à qui profite cet impératif de mobilité géographique et quelles pourraient en être les conséquences immédiates et lointaines dans la circulation de la réalité politique sénégalaise.
Cheikh Ibrahima Diagne