La France est vraisemblablement l’un des pays qui aura le mieux compris l’importance que représentait la force géopolitique dans le monde. Consciente du paradigme du pouvoir, elle a très tôt étendu ses tentacules à travers le monde en vue d’en goûter la sève nourricière et en échange, elle a offert sa culture en guise de monnaie d’échange. L’on ne dirait pas que sa démarche a été la plus salutaire mais elle a su très vite fait montre de ses ambitions sans s’en cacher au contraire des autres organisations internationales qui étaient beaucoup plus dans la stratégie. Ce qui ne veut pas dire que la France n’a pas été stratégique dans sa démarche avec les autres pays, loin de là.
C’est à la fin du 19é siècle qu’apparut le terme de francophonie dans l’œuvre d’Onésime Reclus « France, Algérie et colonies » publié en 1880. Onésime Reclus considérait que les membres de la francophonie seraient destinés à partager un destin commun et qu’ils joueraient un rôle prépondérant dans l’expansion de la langue française et ce à travers les colonies et l’apprentissage de la langue dans les écoles. Onésime Reclus était déjà conscient de l’impact incommensurable de ce que pouvait devenir la Francophonie, un outil politique très important aux yeux du monde mais aussi et surtout un outil culturel bien ancré dans les pays membres.
C’est une lapalissade que de dire que la francophonie était partie pour devenir un outil de propagande politique pour la France et non un tonneau de danaïdes comme l’est l’organisation des nations unies pour les États Unis d’Amérique. La différence est que la France dirige cette organisation de main de fer et que bien loin de la stratégie anglophone avec le Commonwealth, la France se positionne en leader explicite. Mais ce que nous ne pourrions pas reprocher à la francophonie, c’est bien son ouverture. Elle a su démontrer un certain libéralisme et offrir une certaine liberté pour les pays membres.
Ainsi, la langue française s’est enrichie avec de nouveaux mots et d’expressions nés dans les autres pays pour faire partie intégrante de la langue. Léopold Sédar Senghor la décrivait ainsi dans la revue Esprit intitulée «Le français dans le monde» : « La francophonie, c’est un humanisme intégral qui tisse autour de la terre, cette symbiose des énergies dormantes de tous les continents, de toutes les races qui se réveille à leur chaleur complémentaire. » Et dans la même lignée que le Commonwealth of Universities, la francophonie à travers son outil l’Agence universitaire française et Campus France s’est muée en véritable réseau d’échanges d’étudiants des pays membres venant en France poursuivre leurs études universitaires. Elle n’est pas le seul bras armé d’une politique idéologique à l’assaut des autres pays du monde, l’Agence Française de Développement (AFD), participe également au même combat.
La Francophonie, nous pouvons l’affirmer est en concurrence directe avec le Commonwealth mais, son dynamisme et sa stature diplomatique dans le monde l’aident de façon significative à asseoir une influence de plus en plus remarquée. Ainsi, elle bénéficie du statut d’observateur à l’Organisation des Nations Unies (ONU) et d’un bureau permanent à New York.
L’organisation internationale de la francophonie joue son rôle politique pleinement et a su se muer quand il le fallait. Tout en créant le poste de Secrétaire général et en imposant à sa tête des dirigeants de nationalité autre, elle a su faire preuve d’ouverture afin de maintenir l’essentiel avec ses membres autour de son essence véritable par le truchement d’une union politique, économique, sociale forte autour de la langue française et de sa culture. Cette union autour de la langue française a eu des conséquences politiques de très grande échelle en Afrique. Ainsi, le franc CFA (Communauté Financière Africaine) est la monnaie d’échange dans la plupart des États francophones de l’Afrique de ouest, anciennement bastion de colonies françaises d’où également la création de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO).
La présence de la langue française dans ces pays est véritablement un rôle déclencheur entre ces derniers, ce qui facilitait d’une part les échanges mais aussi les unions commerciales et tarifaires. Aujourd’hui, cette monnaie est critiquée car considérée comme étant l’objet de continuité de la colonisation d’autant plus que celle-ci est fabriquée en France et est auto-régulée par la Banque de France. Les pays membres commencent à dénoncer certains défauts de cette monnaie car la France tirerait avantage de celle-ci étant donné que ces pays payeraient des taxes de plusieurs milliards de franc CFA chaque année à la France.
L’on se rend bien compte que la francophonie ne se voue pas uniquement comme étant un trait d’union entre la culture française et les autres pays membres, elle est en effet une actrice politique au service de la propagande de la France, elle est multiforme et multitâche, se mue en actrice de développement pour davantage avoir de leviers de pouvoir et ainsi obtenir un plus grand rapport de force dans le concert des nations.
Par conséquent, la France, bénéficiaire en grande partie de cette politique rayonne davantage aux yeux des autres pays, et c’est son économie qui y gagne pendant que les autres pays « suiveurs » épousent des valeurs qui n’étaient pas les leurs et ces derniers sont constitués en grande partie par les pays africains . Ils ne sont pas nés dans ce système, ils essayent de suivre tant bien que mal toutes ses maximes et ses règles. Pendant que la France; les États Unis ou la Grande Bretagne se positionne en tant que maître d’école en leur inculquant la démocratie quand bien même ces derniers n’ont pas toujours été friands de démocratie, quand ces derniers se positionnent en tant que donneurs de leçons alors qu’ils n’en appliquent pas l’essence, ces africains ou peuples délaissés suivent un système dans lequel ils sont plongés malgré eux, avec tous les heurts qu’on connaît mais qu’on tait, pendant qu’ils essayent de comprendre les tenants et les aboutissants de l’idéologie extérieure, ces maîtres d’école du haut de leur couronne de verre, juchés sur les hauteurs du monde, jettent les miettes de leur entreprise injuste lesquelles déchireraient les pauvres pays pour s’approprier la plus grande part.
La Francophonie, le Commonwealth, même combat.
Extrait du livre « La jeunesse sénégalaise à l’ère du combat politique » de Amadou Diop
Amadou Diop, Expert international à l’Ordre mondial des Experts internationaux