Sonko, entre culte de la personnalité et le mépris de classe(Par Cheikh NdiayeRetraité)

Et de 30! C’est le nombre de morts de citoyens sénégalais depuis mars 2021 lorsque l’accusé Sonko a déclenché son mortel combat. Le mot n’est pas de trop s’empressa-t-il de rajouter. Il ne croyait pas si bien dire. Les morts succèdent aux morts et on en oublierait presque les blessés et mutilés dans cette comptabilité funeste et pourtant ils sont très nombreux.

Il y a quelques mois le khalife général des Mourides lui avait publiquement exprimé sa désapprobation de ses méthodes en lui rappelant les paroles divines: « Quiconque tuerait une personne non coupable d’un meurtre, c’est comme s’il avait tué tous les hommes. » Le Khalife rajouta que la sanction dans l’au-delà est l’enfer. Mais Serigne Mountakha était loin de s’imaginer que ce garçon viendrait quelques mois plus tard mettre Touba et Mbacké sens dessus dessous, un véritable pied-de-nez à la communauté mouride et à sa plus haute autorité.
Le leader du Pastef et néo-mouride ignore le B-A.BA de la confrérie à laquelle il déclare appartenir depuis peu, où la discipline et le respect des consignes de son guide sont des principes fondamentaux.
En réalité, Touba n’est qu’une étape comme tant d’autres dans l’itinéraire de M. Sonko, tel un typhon qui avance, on attend qu’il passe puis on constate les dégâts.

C’est triste à dire, mais la comptabilité du nombre de morts est plus facile à établir que l’évaluation des dégâts matériels de l’oeuvre du « leader » de l’opposition.
On ne compte plus les biens privés et les biens publics saccagés, sans compter les coûts du maintien de l’ordre. Pour des raisons de secret défense nous ne verrons certainement pas la facture de la mobilisation de milliers de policiers et de gendarmes des mois durant, le prix des grenades lacrymogènes et les équipements tout neufs de nos forces de sécurité pour éteindre les feux déclenchés par le « patriote » Ousmane.

Combien de jours de travail perdus, des écoles fermées, des malades qui n’ont pas pu recevoir leurs soins normalement, (j’en connais un qui en est décédé), des réservations d’hôtels et des séjours annulés, la notation du Sénégal revue avec comme impact des taux d’intérêt qui grimpent.
Nous pouvions espérer un enrichissement du débat sur les politiques publiques à mener, en lieu et place nous assistons à l’enchérissement des dépenses de sécurité au détriment de celles consacrées au développement.

Après des décennies de démocratie et de débats politiques pacifiques et globalement civilisés, nous voilà plongés dans la violence et le terrorisme de la pensée unique: celle qui veut que Monsieur Sonko soit au-dessus des lois de notre pays.

D’ailleurs il ne demande pas que justice soit faite puisqu’il n’a même pas daigné aller se défendre. Il exige l’impunité, un point c’est tout.

Le plus pathétique ce sont les leaders de cette coalition appelée Yewwi Akan Wi (libérer le peuple des agissements de Macky Sall veulent-ils dire), mais qui nouent à leur cou les liens de la servitude envers ce Sonko.
Quelle indignité de courir ventre à terre se faire l’avocat de quelqu’un qui refuse de se disculper.
Mais plus choquant encore, Sonko se moque éperdument du sort de ces défenseurs si dépourvus de personnalité.
Bassirou Diomaye est le dernier à apprendre à ses dépens qu’en dehors de Sonko, rien d’autre n’intéresse Ousmane. Le valet a suivi son chef dans son « gatsa gatsa » ce qui lui vaut de croupir en prison depuis des semaines dans l’indifférence du maître.

J’ai failli tombé de ma chaise quand Barthélémy a révélé que son soutien à Sonko devrait lui valoir les assisses!
Au-delà de la suite judiciaire que l’on doit nécessairement apporter à cette déclaration, nous ne pouvons qu’être consternés par l’aveu de soumission du Maire de Dakar qui aurait donc effectué une très sale besogne pour le Maire de Ziguinchor.
Déthié Fall a récemment crié urbi et orbi qu’il écourtait sa tournée en Europe pour sauter dans le premier avion et venir apporter son soutien à son frère Ousmane. À peine avait-il atterri que leur patron leur a dit qu’il n’avait besoin de personne. On pourrait en citer d’autres…

Enfin peu importe, si ces hommes politiques choisissent d’être des inféodés, c’est leur problème. Nous, nous savons aussi qu’ils sont dans des calculs cyniques et opportunistes. Ils sont capables de lâcher Sonko du jour au lendemain, que dis-je entre 13h et 14h comme on l’a vu au mois de septembre dans BBY à propos de la tête de liste qui soutenait leur programme le matin et qui a retourné casaque l’après-midi dès l’élection du président de l’Assemblée Nationale.

Mais derrière leur soutien à celui dont l’action a causé plusieurs morts, il y a plus grave. Il y a un mépris de classe.
En effet, ni la mort ni les blessures d’un jeune de Keur Massar ou Bambilor n’empêcheront les leaders de la coalition de dormir, encore moins les dettes de ceux qui auront perdu leurs marchandises dans les scènes de pillage.
Ces messieurs et dames, tous de la haute société, avec de bonnes études et de belles carrières sont bien plus affectés par la quinte de toux de Ousmane ou la vitre brisée de son rutilant 4×4 que par les enterrements de dizaines de jeunes issus de banlieue. Avec Sonko, ils ont des intérêts vitaux en commun.
Voilà pourquoi ils ne sont pas choqués que Sonko s’amuse à faire des jongles avec un ballon pendant que des jeunes risquent leur vie pour lui.

Mais le mépris de classe doit nécessairement être maquillé, faute de quoi il soulèverait des réactions de la part du peuple et il s’en suivrait une sanction électorale. Et cela ils n’en veulent surtout pas.
Alors les politiciens font croire qu’ils se battent, font des sacrifices, souffrent moralement, physiquement et financièrement pour le peuple et le « projet ».
Ainsi vous les verrez arborer des casquettes, jeans, et chaussures de marques, pour inhaler vaillamment quelques grenades lacrymogènes et opposer une résistance très symbolique face aux forces de l’ordre. Tout cela relayé en direct par des reporters plus exaltés qu’un commentateur brésilien de Coupe du Monde.
Ah ces braves élites qui quittent leur confort douillet et climatisé! Vraiment les sénégalais ont une dette morale envers eux.
Dette dont ils comptent d’ailleurs s’acquitter par un suicide social. Suicide au propre comme au figuré. D’abord, en le payant de leur vie, avec l’onction des leaders qui de leur piédestal leur attribuent le titre de martyres, ensuite en saccageant les infrastructures dont ils ont le plus besoin et sont les seuls usagers.

Du reste, si les hommes politiques prenaient le TER ou le bus de Dakar Dem Dikk, on dirait qu’ils sont fatigués, « tekki wou niou dara », ce sont des « khosslouman » et qu’ils ne sont pas dignes de confiance pour gérer un pays.
Les sénégalais attendent des politiciens qu’ils déboulent de puissantes voitures, sirène hurlante avec des « malabars » qui les accompagnent.
En fait les sénégalais sont méprisés par les hommes politiques mais au fond ils aiment cela, sans doute des résidus têtus de la relation « bouur/badola ».

« La véritable tragédie n’est pas d’être dominé, mais de s’habituer à la domination et de croire qu’elle est inévitable » disait un penseur.

Cette tragédie nous la vivons. Comment des militants et une partie du peuple en sont-ils arrivés à se vautrer dans une allégeance dégradante, considérant que leur président Ousmane Sonko est au-dessus des lois, des Institutions, des citoyens, bref du Sénégal! Quel manque de considération de soi-même.

Ce jeunot a fait prospérer un culte de la personnalité que l’on avait rarement vu. Même quand il commet des fautes il exige que tout un pays les paye à sa place.

Le mépris des classes populaires qui le caractérise est à l’origine de son populisme, de ses appels au sacrifice et de sa faculté à regarder les sénégalais dans les yeux et dire des contre-vérités. il sait que la plupart de ses inconditionnels ne comprennent pas grand chose de ce qu’il dit.
Ses affirmations sur les 10% que détiendrait le Sénégal sur son propre pétrole est assez illustratif. Il sait certainement que c’est faux, mais il ne va pas s’encombrer de la vérité des chiffres. Il a voulu créer de la colère et il a réussi.
C’est une vieille recette chez les populistes. Ils capitalisent sur le ressentiment en prônant une vision anti-système et en se présentant comme les défenseurs des intérêts du peuple contre une classe dominante arrogante. Ousmane Sonko a compris que la lutte des classes a pris un autre visage. Il sait très bien que les citoyens ne se révoltent plus contre les patrons capitalistes, ils se révoltent contre l’Etat et l’ancienne puissance coloniale, il suffit d’agiter quelques slogans simples.

Mais en réalité le plus grand mépris c’est de profiter du rang social des gens et de leur manque d’outils cognitifs pour parvenir à ses fins.
On pourra reconnaître toutefois, qu’il le partage avec beaucoup d’acteurs politiques. À la différence que lui est prêt à marcher sur des cadavres pour son ambition.
Il a encore dit récemment: « s’il le faut, qu’on perde tout ». Ça alors! Comment un sénégalais peut-il envisager de tout faire perdre au Sénégal? Ce « patriote » est-il réellement un compatriote?

Combien de personnes issues des milieux défavorisés doivent encore mourir pour lui, parce que monsieur aurait exercé un « droit de cuissage » sur une petite orpheline de 20 ans débarquant du village?
Combien de familles des banlieues doivent encore pleurer la perte de leurs proches ou panser leurs blessures?
Combien de milliards de nos petites économies, d’universités, de consulats, doivent encore partir en fumée sur un simple mot d’ordre de ce forcené?

La réponse dépendra probablement du profil des victimes.

Cheikh Ndiaye
Retraité